Rah Digga – Classic (2010)
Si le rap était soumis à l’obligation de parité, l’accumulation d’amendes l’enverrait directement en banqueroute voire en taule… Pourtant des soupçons de féminité ce sont immiscés ça et là durant les ans que ce soit dans le modèle « bitch » assumée à la Lil’Kim et Foxy Brown ou en passant par l’activisme féministe conscient à la Bahamadia et Lauryn Hill. Pourtant depuis un moment le rayon female mc reste bien vide malgré quelques essais de Jean Gray ou dernièrement Eternia. Le retour de la fille prodigue Rah Digga après un gros raté sur un deuxième album jamais sorti était prétexte à revivifier le style. Car derrière ce petit gabarit se cache sûrement la meilleure mc du rap. Sans concession et aussi agressive qu’un mc débordant de testostérones made in underground, Rah Digga ne fait jamais dans les détails déversant son lot de rage dans des textes très bien écrits et un flow maîtrisé de bout en bout. Impatient de cette sortie, on notera tout de même une certaine retenue car en effet la Dirty Harriet a totalement laissé la production à Nottz. Si le beatmaker peut se vanter d’un CV bien fourni dans ses collaborations, il n’a jamais su faire l’unanimité. Pour autant retrouver deux anciens de l’écurie Flipmode Squad sur un album attise la curiosité. Alors après une dizaine d’année sans projet concret pour Rah Digga et une certaine suspicion envers Nottz, ce Classic pourra-t-il rendre à Rah Digga ses lettres de noblesse ?
Histoire de corser le jeu, Rah Digga a décidé d’appeler cet album Classic qui, comme Album Of The Year de Black Milk, joue sur le double sens du mot. De quoi émoustiller tout auditeur de rap et pourtant on se rend très vite compte que la référence n’a rien à voir avec le statu de l’album. En clair, l’album vogue sur le passé le tout corsé par les basse line et les drums que Nottz affectionne particulièrement.
Alors que dire de cet album ? Très dur de se positionner sur un avis tranché, ni parfait ni mauvais Classic reste ce genre d’album que l’on écoute jusqu’au bout en prenant réellement du plaisir mais qui amène plusieurs frustrations malgré un résultat qualitatif plus que raisonnable. Premièrement, le niveau de Rah Digga au mic est juste de haut vol, Who Gonna Check Me Boo et Solidified, la miss est loin d’avoir perdu de sa superbe mais ce qui était pressenti comme un frein se réalise. Loin de vouloir tailler un short à Nottz qui a maintes fois prouvé ses capacités, on sent quand même un pallier à franchir de plus pour que Nottz arrive à contenter musicalement Rah Digga mais après plus de 10 ans à rouler sa bosse, on ne peut parier sur ce type d’évolution. Pourtant le beatmaker s’est débattu en livrant une palette musicale variée : l’électrisant Straight Spittin’ IV et sa guitare, drums forcé et flûte sur This Ain’t No Little Kid Rap, un funk teinté 70’s sur Solidified ou rap old-school des 80’s sur Viral, Nottz exploite au possible son répertoire avec professionnalisme sans pour autant convaincre. Dommage car la petite étincelle qui mettra le feu à cette galette n’est jamais loin. Enfin, l’homogénéité de l’ensemble étouffe ce Classic si bien que faire ressortir une ou plusieurs tracks de l’album est peine perdue. Avec seulement 10 morceaux, il y a un sentiment d’inabouti sur le fond.
Rah Digga revient sur le devant de la scène et sa présence permet de rappeler qu’il n’y a pas besoin d’être un homme pour kicker intelligemment le mic. Si l’album ne marquera pas l’année 2010, Nottz et Rah nous offrent un beau moment de rap Boom Bap. Espérons seulement que Rah Digga trouvera à la production chaussure à son pied pour ces prochaines sorties musicales.
14/20
L'album s'est vendu à 795 exemplaires selon les derniers chiffres. Triste nouvelle pour une mc de ce calibre qui risque d'avoir du mal à sortir de nouveaux projets… Regrettable…