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Morad – Le Survivant (2012)

De 1977 à 2012, de Gare du Nord à Barbès, itinéraire d’un enfant d’entre deux siècles, chahuté entre les années de galère et les années de rupture, esseulé dans une tragédie urbaine de toute une génération. Le tracé d’un gars qui a quitté une ligne de poudre pour une ligne d’encre. Morad, Scred Connexion, membre du crew le plus connu des inconnus, dernière cartouche d’un fusil discographique bien servi, vient clôturer la boucle des solos avec un album intime et sans excuses, Le Survivant, chronique d’une caisse criblée de balles  dans un Paris apocalyptique où la rédemption ne tiens qu’à un fil.

Grande perche mal rasé, Morad ne porte pas forcément les stigmates d’un passé plus que chaotique, d’un premier abord timide et réservé Morad est pourtant ce genre de mec qui viendra se griller une clope avec  son public avant un concert (quitte à se faire rappeler à l’ordre), le mec scred quoi. Souvent relayé comme la dernière roue de part un charisme moins prolifique que ses coéquipiers au micro, Morad en reste pas moins la plume du groupe capable de lâcher des verses sans fautes. Conscient de ses défauts (surtout centré sur un flow rectiligne), c’est en toute modestie que le gars lâche ses 15 pistes, préférant parier sur ses capacités de narrateur et son moral de survivant.


Globalement, Le Survivant se résume à une alternative à la street reality alimentée par les fantasmes mafioso gangster de certaines petites frappes aux phrasés aussi variés que Kong dans Bangkok Dangerous. Non Morad décrit un parcours d’un mec à l’âme trucidée par la came et  d’un passage traumatisant par la case prison (chronique d’un gars comme les autres, ses joies, ses galères). Pas d’apologie, pas de fierté, bien au contraire une constante atmosphère de regrets et d’avertissement, un rappel lourd mais toujours discret (on est loin du concept exhibitionniste de la chose). Excepté Chakchouka avec Mokless (comme un passage de flambeau), la pate musicale se veut sobre et mélancolique voir peut être trop (l’armada de piano et de violon se taille la part belle, logique)…


On retient sur l’album un peu de tout du bon et du moins bon, de l’envie peut être trop aussi, des invités au niveau d’autres non, des moments de solitude trop intenses pour ne pas voir ressurgir certains défauts. Bref un bon melting pot, qui sera contenter les habitués du crew avec une touche plus posée.  Dans les grands moments de l’album,  on ne pourra pas passer à côté des écrits de Dégage Le Passage sur une composition de Mayday froide et bien noire (comme En Scred) et Un Point C’est Tout (malgré le beat). La Colère Monte Doucement rentre dans cette catégorie mais entre un instru pas adapté et un flow vraiment mou et unicorde, le soufflet redescend très vite. En fait, Morad semble plus à son aise quand il est bien accompagné, avec Casey sur la thématique de l’intégrité (Les Choses Comme Elles Viennent), Loréa ex 1 Bario 5 S’Pry et Shein B (survivante d’une tumeur au cerveau histoire de remettre dans le contexte) sur le peu joyeux Encore Vivant qui bénéficie d’une grosse production, la présence du très addictif C. Sen sur Pas De Franchise. A l’inverse quand le guest est transparent, Morad suit le même chemin (Coup Pour Coup et En Scred).


Morad aurait pu être enterré dans la fosse commune d’un rap jeu de plus en plus mortifère, mais malgré certaines faiblesses incontestables, Morad est un vrai Survivant qui s’arme de son passé, ses expériences obscures mais aussi d’une vraie humanité pour prouver sa valeur. Le Survivant aurait pu être fatal mais grâce à un travail d’écriture peaufiné et réfléchi mis en scène par des productions en adéquation avec les thèmes, le membre de la Scred Connexion lâche à l’arrivée un album d’une valeur sure. Jamais dans la tendance mais toujours dans la bonne direction.

 

14/20

Morad – Le Survivant (2012)
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