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DJ revolution presents Malcom and Martin – Life Doesn’t Frighten Me (2011)

Pendant des années le Hip-Hop fut un symbole d’expression pour les diverses minorités en souffrance. Là où la rue ne pouvait se faire entendre le rap est arrivé pour porter une voix mais aussi pour rappeler au citoyen lambda qu’autour de lui les invisibles avaient le droit à lumière en toute égalité, ce que Cypress Hill incarnera pour la communauté hispanique fin des années 80. Le radicalisme des mcs au milieu des années 80 démontrait une réelle fracture avec la société bien pensante encore ivre des prémices du Hip-Hop bobotisé distillé sur Midtown et sa capacité à s’organiser pour être considéré comme une réelle menace prenait tout son sens dans la conscience militarisé de Public Enemy ou encore la leadership de KRS-One sur le souffle de Stop The Violence. En clair le spectre de l’égalité des droits civiques se réinvitait dans la société américaine à la plus grande peur des WASP encore très radins dans ce domaine, peur qui devint plus vive dans les années 90 où la jeunesse Hip-Hop demandait une égalité pure et simple  additionnée aux dommages et intérêts subis par leurs aïeux arrivant même à choquer les leaders communautaires et ex chefs de file des manifestations de 70’s. Mais voilà, la le hip-hop comme la vie en général n’est qu’un cycle et une fois arrivé à la fin du cycle on repart à zéro, bienvenue dans les années 2000, fini l’aspect vindicatif et bonjour à toutes formes d’outrance, d’exagération et de…… swag….

Alors quelle symbolique contestataire reste t-il au Hip-Hop ? Pas grand-chose, en fait et même les déçus de l’ère Obama semblent muet, personne au mic pour accuser mais beaucoup d’idée dans le tube cathodique où la sérié animée The Boondocks reprend le flambeau dans une atmosphère satirique à créer des ulcères à tout mc qui se croit respectable. Un phénomène peu retransmis sur les platines vinyles surement par incapacité de hausser le niveau du rap à celui de ce comic strip. Pour autant Styliztik Jones de LA et KB Imean de NY entourés du baroudeur DJ Revolution flairent l’opportunité de remettre le rap conscient et activiste dans les starting block en lançant Malcolm and Martin sorte de clones rap des jumeaux Huey et Riley Freeman. Retour à des racines fertiles, mise en avant de la relation professeur/étudiant, « Life Doesn’t Frighten Me » s’inscrit indubitablement dans une renaissance latente du mouvement et de sa vision.
 
Passer la mise en bouche introductive qu’est Welcome To The Movement qui prouve surtout qu’avec plus de 20 ans d’activisme DJ Revolution reste un intouchable du turntablism,  on entre dans le corps même du projet. S’appuyant sur les personnages clefs des luttes pour l’égalité des droits civiques que sont Malcolm X et Martin Luther King (surement le lien des surnoms donnés pour ce projet), les clins d’œil se succèdent comme un rappel à la mémoire collective, les thèmes n’évoluent pas d’un iota par rapport à ceux des ainés, la faute à un système aveugle à ses propres maux (mais aussi à l’immobilité générale).
 
Quoique, Malcolm and Martin n’hésitent pas à égratigner la scène rap actuel surtout south qui préfère nager dans la luxure facile plutôt que de se confronter à la réalité des milliers de foyer, toute classe confondue,  toujours en train de crever dans les rues du passage de katrina sur la Nouvelle Orleans ou même du soucis des catastrophes naturelles mondiales, le tout sur un sample soul entrainant (Bamboozled). La suite est un constat accablant qui sort du cadre politiquement correct  de la dénomination de « minorité ethnique » à la réalité d’opprimés que vivent de plus en plus les émigrés hispaniques sans la dose d’humour noire afférente au dernier Robert Rodriguez, Machete, la boucle funk entêtante distillée avec intelligence par DJ Revolution rend accro au hook de Ain’t Seen Nothin Yet . Sample minimal pour budget publique minimal, et on embraye sur le système public d’éducation américain (le système peut se sentir viser), battle de cours de récrée pour Styliztik jones et KB Imean rejoint par Versatile sur fond de délabrement un message qui tape comme un avertissement (baisse d’effectifs de professeurs, universités aux aboies) pour nos sociétés soi-disant trop étatico-dépendantes. L’album arrive à éviter une ligne directrice trop oppressante en incorporant certains moments de légèreté comme la touche très mid tempo lâchée par Marco Polo sur Movement Music ou l’intro assez hilarante de Sister Big Butt reprenant le Mister Big Stuff de Jean Knight et enfin la petite leçon de turntablism concoctée avec saveur par DJ Revolution sur une reprise de James Brown, so 80’s (Do It Again). Win or Lose tranche âprement dans cette conviction très anglo-saxonne de la réussite personnelle sur une introspection très intime livrée par les mcs  le tout sur une surprenante composition soulful de DJ Revolution qui dénote de l’atmosphère de la track. Questionnement plus sombre (Black Koffee) sur les relations humaines et plus particulièrement sur la notion d’esclavage moderne où l’argent ne rime pas avec indépendance (encore un pic lancé envers une partie de l’industrie rap),  c’est dans ce type de morceau où Stylistik (très engagé sur la track) et KB I Mean amènent un réel lien avec le patrimoine de Public Enemy. Autre patrimoine exploité sur Heritage, celui des prémices de Cypress Hill sur l’unité inter communautaire en Californie, un cri qui rappelle Stop The Violence de KRS-One. Torae, lyricalement affûté et deuxième tête d’affiche du projet avec Marco Polo débarque sur Bear Witness mais comme son acolyte, ces deux tracks ne resteront pas au panthéon de ce Life Doesn’t Frighten Me. Après Brown, clin d’œil à Mayfield et son intemporel Back against the Wall qui risque de devenir le morceau le plus samplé du rap. Alors, si vous êtes perdu avec toutes ses influences qui font de ce projet un rebond de la revendication musicale, Thank God vous présentera une liste assez exhaustive des influences qui ont conduit à ce Life Doesn’t Frighten Me.
 
Malcolm and Martin représentent l’air du temps en ce début de nouvelle décennie, derrière la symbolique révolutionnaire qui est omniprésente dans l’actualité, ce genre de projet nous remémore  qui ne suffit pas d’applaudir le courage de peuplade en mal de démocratie mais bien de se demander si le mot liberté s’applique à sa propre condition. Sans bruit mais assurément, la roue tourne pour le rap, c’est dans l’air, imperceptible et inodore, mais partout quelques traces témoignent, au même titre que Life Doesn’t Frighten Me, de ce regain. Mais voilà, quand Showbiz et KRS-One sur Godsville rappellent la responsabilité et l’influence du rap et plus précisément du mc, ils mettent aussi en avant le manque de perception des listeners qui a tout moment pourront ou non faire de nouveau coincer cette dynamique.
16,5/20

DJ revolution presents Malcom and Martin – Life Doesn’t Frighten Me (2011)
2 vote(s)

2 comments on “DJ revolution presents Malcom and Martin – Life Doesn’t Frighten Me (2011)

  1. Crazy Horus on said:

    Bonne review, j'ai beaucoup aimé le début et je trouve que tu as bien saisi l'ambiance de l'album ainsi que le caractère idéologique qui est affirmé du début à la fin. Aujourd'hui l'héritage de PE, KRS ou de Paris semble avoir fondu comme neige au soleil. Beaucoup se sont noyés dans la fag' et le matérialisme outrancier… D'ailleurs cet excès superficiel n'est pas propre au rap, il existe aussi dans le rock, la pop etc. Mais le rap a ceci de spécifique, c'est qu'il est devenu une sorte de Veau d'Or pour une génération de déshérités et d'exclus, PE et KRS faisant office de Moise des temps modernes, horrifiés par ce spectacle mais surtout impuissants. Bref j'arrête la digression, je n'ai pas envie de passer pour un vieux con mais ce projet est mon coup de coeur de ce début d'année avec le Pharo. Revolution fait un taff vraiment propre, frais aidé par un Marco Polo pertinent et des MC à la rime sagace et non diluée dans un discours bien propre et pré-digéré. Même note 16,5/20 car il y a quelques baisses de régime mais c'est du très sérieux (ce qui ne l'empêche pas d'être pétri d'humour d'ailleurs).

  2. SnowgoonS on said:

    Perso je trouve que tu t'es déchiré le cul pour cette review, une personne lambda est obligé de s’intéresser au skeud après t'avoir lu, sisi sincèrement bravo !Je ne pourrais pas mieux dire que Crazy,je partage son ressentis tout comme ses impression c'est du "old school-fresh-boom bap" héhé plus sérieusement j'ai beaucoup aimé, DJ Revolution est juste impressionant, les deux comperes assurent d'autant plus qu'il arrive a s'appuyer sur les fondation du hip hop pour nous véhiculer leurs messages sans non plus nous écraser par leurs ideaux. Un des meilleurs projet de ce début d’année !

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