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Ill Bill & Vinnie Paz – Heavy Metal Kings (2011)

 Lundi 9 mai 2011, il est 21 heures devant les portes de la nouvelle salle emblématique du Hip-Hop parisienne : La Bellevilloise. Aux alentours ça sent la bière tiède et le joint masquant maladroitement une odeur de gerbe persistante mais tellement symbolique de ce public hybride. Rien de surprenant quand le groupe qui joue ce soir se présente sous le pseudo « Heavy Metal Kings », le nom a plus de facilité à rimer avec les leaders de la scène hard metal plutôt qu’avec ceux du rap américain. Le baggy apprend à se marier avec le sweet à capuche Slipknot et la bouteille de JB laisse sa place à la Fisher de chez Ed. Dans la foule, deux noms reviennent en écho, Ill Bill et Vinnie Paz, portés au firmament du rap comme deux dieux ayant marqué la décennie précédente par leur style musical. Alors savoir que ces deux protagonistes se rassemblent sur scène pour un show unique fait grimper la température de 10 degrés Celsius dans la salle et ce n’est pas la première partie pathétique du show joué par un groupe de braillards sans talent qui la fera descendre (au passage pour les derniers sceptiques de Virus, je pense qu’il a facilement levé tout doute concernant son niveau). Et ce qui devait arriver arriva : un public en transe, complètement possédé par la vibe lourde et pesante des deux protagonistes. Objectivement, le show était plus que moyen (même si le concours de off-beat entre les deux poids lourds n’a pas permis de faire sortir un gagnant), mais la présence des deux rois était suffisante à faire le bonheur de la foule. A la sortie une question reste en suspend, venus défendre un album commun, Vinnie Paz et Ill Bill n’ont joué que deux morceaux de ce Heavy Metal Kings (dont un remix). Autant jouer sur la fibre nostalgique du public en priorisant le passage de ses meilleurs morceaux reste  tout à fait excusable, autant occulter la sortie de cet album rend très suspicieux la qualité contenue dans le boîtier plastique. Doit-on comprendre que cet album est un support lambda histoire de lancer une tournée des deux gus ?


(Blackbeard, Crypt, DJ Eclipse, Slaine, Ill Bill, Reef.  DJ Muggs, Q-Unique, Vinnie Paz, DJ Kwestion)
Heureusement qu’une certaine éthique morale oblige à écouter plusieurs fois un album avant de lâcher un avis tranché sous forme de chronique car à la première écoute, il aurait été légitime de penser que l’album n’était qu’une supercherie lâchée histoire d’arrondir les fins de mois. Loin d’être une réussite et d’être un album sur lequel s’attarder pendant des décennies, cette livraison est à l’image des deux protagonistes et de leurs crew respectifs : en fin de cycle. Jugement certes dur mais loin d’être seulement subjectif, car si Ill Bill avait imposé autant de respect en solo qu’avec Non Phixion dont dernièrement sur son solo the Hour Of reprisal ovationné par l’ensemble de la sphère Hip-Hop, depuis c’est un peu le vide abyssale entre La Coka Nostra qui divise et un projet laborieux avec Muggs (Kill Devils Hill), le géant massif n’en impose plus. Pour Vinnie Paz, la descente fut encore plus rude, hier agitateur de conscience pour le public, aujourd’hui le natif de Philadelphia fait plus rire que réfléchir, malgré un flow réarrangé, histoire d’accroître la gravité de ses propos (ou de se comparer à un bulldozer au mic…). Pourtant son solo sorti l’an dernier avait le mérite d’une certaine prise de risque aux manettes, malheureusement non payante… Bref inconsciemment, ce projet souffrait au préalable d’une méfiance du game. Méfiance accrue avec les absences très remarquées et incompréhensibles de Stoupe et de Necro aux manettes et un choix de seconde main comparable à un album de Doap Nixon, c’est dire le niveau attendu…
Anti catholicisme pro sunnite à la sauce ketchup, famille enlevée et espionnage CIA façon Fox Mulder, l’univers obsessionnel des deux gobeurs de pizza agrémenté de théories de la conspiration plus ou moins farfelues (si ce n’est totalement…) est donc ancrée comme une tâche de vin et ce Heavy Metal Kings ne fait pas exception. Et tant qu’à faire un petit rappel, autant recycler les thèmes passés, histoire de pas trop se fatiguer (ce qui met les deux protagonistes au même niveau d’ingéniosité sur ce projet). L’impression de déjà-vu n’est donc pas qu’une impression mais une réalité. On pourra noter une certaine recherche dans les thématiques comme Impaled Nazarene mais le sample de Grand Finale bousille une narration captivante. La seule solution pour y trouver son compte reste donc la formule de la conspiration sans queue ni tête sur une production découpée à la sulfateuse comme Children Of God, Eye is the King et l’énorme Levathian (Alléluia DJ Muggs n’est pas mort). On s’attardera sur la production de Gam Crates, Blood Meridian, et on se posera la question de savoir si, en tant que petit protégé de DJ Premier, son interprétation de Society Is Brainwashed mérite des applaudissements (on peut penser qu’un beatmaker lambda aurait été lynché pour ce type d’imitation). En tout cas en termes d’éfficacité, le bonhomme est irréprochable. 
Enfin, les heavy bangers de l’album, le premier réalisé avec intelligence par Sicknature : The Vice Of Killing, est clairement le genre d’épopée aérienne où Vinnie Paz et Reef The Lost Cauze (en feat.) sont maîtres et ce n’est pas l’arrivée du très sous-estimé second membre des Non-Phixion Sabac Red qui leur volera la vedette (on aura beau pointer le manque de créativité de toute la bande, il y a pas à dire : même retourné dans tous les sens ce genre d’instru fait mouche). Le second Metal In Your Mouth plus orienté Coka Nostra devrait contenter les fans du genre.
Exclusivement réservé à la fan base, ce Heavy Metal Kings reste avant tout l’occasion d’écouter deux des plus grands protagonistes du Hardcore Hip-Hop sur un long format. Sans être un must have, l’album réserve quelques surprises pour ceux qui décideront d’aller plus loin qu’une seule écoute. Les fans de la première heure seront comblés mais pour les autres, mieux vaut fuir tellement l’écoute risque de vous dégouter définitivement des productions bourratives que représentent ce courant du Hip-Hop. Quant au peu de tracks représentatives de cet album en concert, on comprend largement qu’elles n’aient pas leur place dans la discographie très fournie des deux mastodontes.

13/20
Ill Bill & Vinnie Paz – Heavy Metal Kings (2011)
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