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Prodigy – The Ellsworth Bumpy Johnson EP (2011)

 
Les portes du pénitencier s’entrouvrent lentement, les rouages mécaniques de la grille semblent rouillés. Tissu milanais, costard gris clair agrémenté d’une écharpe blanche, vissé sur sa tête, son panama cache son regard sombre. Dehors son bras droit, Harvey Pastor Jr et frère de sang l’attend, pas un mot ne sort en face à face, seule l’accolade fraternelle rappelle le lien qui les unit. Un dernier regard sur la prison et la réalité se dessine par un sourire froid : Bumpy Johnson aka Prodigy est libre et si le nom ne vous dit rien alors commencez à trembler car le rappel sera gravé à la force de sa lame sur votre plexus. Le temps d’ajuster son colt à sa ceinture Fendi, la caisse démarre direction le Queens.

Gangster ayant sévit à la fin des années 80 pour s’imposer comme le parrain du Queens avec son capo Harvey Pastor Jr aka Havoc, véritable roi des univers sombres et macabres durant les années 90, Bumpy Johnson avait vu son influence et sa notoriété jalousées par ses ennemis mais aussi par sa famille. Résistant à toutes les attaques, qu’elles soient à l’arme lourde ou à l’aide d’un micro ; survivant de plusieurs tentatives d’attentat fomentés par des lobbys blancs qui souhaitaient l’abattre, le Queens avait été surpris d’apprendre que le parrain était tombé pour un port d’arme illégal qui, d’après une rumeur, était le but final d’une conspiration initié par le clan des WASP de la CIA aidé par quelques Illuminatis… 
 
Depuis son départ, le Queens s’entredéchirait pour savoir qui pouvait prétendre à sa couronne, cette guerre livrée par différents cartels avaient vu plusieurs parrains débarquer mais aucun n’avait réussi à asseoir assez longtemps son pouvoir pour y perdurer (les trous causés par les divers 9 mm et autres magnum 45 n’aidant pas). Au niveau du clan, seuls les fidèles étaient restés, en plus de son bras droit Harvey Pastor Jr, Howard Macallister aka The Alchemist, avocat pénaliste connu dans le milieu pour ses facilités à intégrer la branche irlandaise de la police, les frères Bagatelli aka Sid Roams, les portes flingues de Johnson, connus pour leur addiction au carnage sanglant, due à leur schizophrénie jamais traitée, et enfin Ben Cooper aka King Benny, plus gros refourgeur de cocaïne de New-York et adepte de la scarification faciale.
 
Bumpy avait prévenu : pas de retour barbare, il faut taper fort et impacter le plus de gens possible. Message plus que reçu par Mcallister qui avait réuni la presse devant le City Hall afin d’officialiser le retour du One and Only Infamous Notorious Bumpy Johnson. Et dans le genre mise en scène sombre et froide, l’avocat sait mettre les formes : la boucle semble très minimaliste mais le nombre de détails incorporés sur cette instru démontre une fois de plus la technique du californien, même si en terme de musicalité cela reste assez difficile d’accès. 
Une fois la population prévenue par les médias, il est temps de rappeler certaines règles à la concurrence et pour cela rien ne vaut un exemple sanglant. Coincé par les frères Bagatelli à la sorti du deli, le pimp Supa G (un des premiers à avoir abandonné le navire lors de l’arrestation de Bumpy) pourra s’agenouiller en demandant clémence, ses larmes se dilueront dans son sang car seule la lame immaculée de Bumpy semble lui accorder  un vif intérêt. Gravé à plus de 5 cm sous la peau le Go Off est un message sec et sans concession (gros travail des Sid Roams qui arrivent à s’extirper de l’omniprésente influence Mobb Deepienne en livrant une production mature et en adéquation avec le flow re-musclé de Prodigy).
 
La pression ne se relâche pas et comme protégé des Dieux ou plutôt délaissé des Dieux, tel le Black Devil, Bumpy Johnson, torse bombé, démarche assurée et regard vengeur, se promène entouré des Bagatelli. Les passants changent de trottoir, des cris s’entendent au loin « He’s here, Bumpy is back !!! », les volets se ferment et les mères traînent par le col les enfants trop curieux à l’intérieur des projects (Le binôme Prodigy/Sid Roams trouvent son rythme de croisière et dissipe les doutes des associations passées, on pourra, par contre, s’interroger sur la crédibilité que peut donner Pee à certaines théories farfelues…).
 
La nuit tombe sur le hood, il est temps de faire fructifier le business et de parler de stratégie, et comme une continuité le crew se retrouve au Joe’s diner rappelant la bonne vieille époque.  Quadriller le hood, placer les lieutenants à tout les corners, localiser les nouvelles planques, la noirceur du moment porte conseil et tel des stratèges du haut commandement, les deux rois Bumpy et Harvey divulguent leur vision devant un public pendu à leurs lèvres (Ambiance nocturne distillée tout en douceur et sans forcer par les Sid Roams, Twilight est un moment clef de cet EP par une réunion de Mobb Deep qui tient réellement debout bien loin des Dog Shit et Love Ya’ll More).
 
Mcallister rejoint la troupe chez Joe, Bumpy lui glisse à l’oreille « For One Night Only, j’ai besoin de me sentir libre, m’éclater, fumer, boire,  rouler là où les filles se trouvent, comme au bon vieux temps frère, juste toi et moi », sourire aux lèvres, Mcallister lui rétorque « j’ai sorti la décapotable, les clefs sont sur le contact, c’est quand tu veux » (Il y a décidément un problème Alchemist depuis deux ans, le beatmaker s’entête dans une direction artistique vraiment trop technique qui détruit la saveur de ses productions. Un retour à un découpage plus souple ne serait pas de refus).
 
Nuit d’ivresse, la première pleine lune passée en dehors des barreaux, histoire de mêler l’utile à l’agréable, un petit détour dans la planque de Ben Cooper histoire de tester la qualité de la blanche ne se refuse pas. A la première ligne l’effet est immédiat, Stronger, la poudre se dilue dans les narines ralentissant le temps, la vue semble se saccader. « Oh King Benny, ta C est trop endormante va falloir revoir tes calculs de chimie histoire de lui insuffler un coup de boost » (Le sample est pas mauvais mais manque de consistance pour rivaliser avec le travail des Sid Roams, bref le talon d’Achille de l’album).
 
La liberté est un putain de malabar multi goût dont Bumpy savoure chaque essence pour se sentir vivant. Paradoxalement, c’est par la mort qu’il revit et de nouveau entouré de ses portes flingues les Sid Roams, il fait parler la poudre afin que soit acté ce jour comme un avertissement « Told Ya’ll », histoire de terminer avant de replonger. 
 
Pour son grand retour, Prodigy a décidé de se confondre dans le personnage de Bumpy Johnson, célèbre gangster noir qui sévit pendant les années 30. De part les dialogues de Hoodlum, il recrée  ainsi une certaine ambiance Mobb Deepienne, certes moins traumatisante qu’à leur début, mais qui a le mérite de ne pas classer le crew hors circuit. Porté par le travail des Sid Roams et le flow sur vitaminé de Prodigy (on sort du slow flow méprisant pour des prestations en adéquation avec son statut même si dans les textes on est dans les mêmes thèmes), The Ellsworth Bumpy Johnson EP reste son meilleur travail depuis un certain H.N.I.C.
 
16/20
Prodigy – The Ellsworth Bumpy Johnson EP (2011)
1 vote(s)

2 comments on “Prodigy – The Ellsworth Bumpy Johnson EP (2011)

  1. SnowgoonS on said:

    Bête de chro bravo ! Bête de skeud ! Ça faisait aussi longtemps que je n'avais pas autant apprécié P et en particulier le travail des Sid !

  2. Anonymous on said:

    Bravo pour la plume

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