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Chuck D – The Black In Man (2014)

Le 1er août 2014 est une date historique du rap US, un tournant générationnel et une révolution institutionnelle, une date que l’on ne devra pas oublier, une date qui nous affecte tous en tant que témoin du mouvement rap, le 1er août 2014 The Black In Man, second opus de Chuck D leader du groupe légendaire Public Enemy et acteur politique engagé est sorti dans l’indifférence générale. Plus qu’un simple oubli, plus que de savoir si l’album mérite ou non un tel mépris, ce fardeau sacralise une des plus grosses fractures intergénérationnelles de l’histoire du rap.

Beaucoup de choses sont à dire à propos de Chuck D, des choses qui ont été déjà dites et par bien meilleur que moi pour traiter cette légende. Histoire de faire un raccourci grossier, Chuck D c’est un peu le daron de la famille, une figure du pater familias qui transpire cette sagesse du temps écoulé, un visage familier et rassurant que l’on écoute raconter ses histoires en silence. Jusqu’au moment où cette figure se détériore pour devenir une personne trop vieille et rébarbative pour continuer à lui tendre l’oreille. Cette personne devient un fardeau et un poids dont on se débarrasse pour foutre dans une maison de retraite si on a encore la main sur le portefeuille ou dans un mouroir de l’assistance publique par défaut. Cela fait bien des années, que Chuck D et ses acolytes n’intéressent plus la jeunesse et en même temps on pourra le déplorer mais pas leur reprocher, chaque génération voyant midi à sa porte, les problématiques passées ne sont pas celles du présent. Bref Chuck D a été abandonné par les nouvelles vagues de listener mais pire l’ex leader ne trouve donc plus aucun écho des générations passées, lâché dans un trou noir, invisible aux yeux de tous. Laisser pour mort par son public mais surtout mépriser par une presse spécialisée qui a très vite compris que l’homme n’est plus vendeur. Si on ne doute pas que les rédactions de ces organes de presse vivent uniquement sur l’indétrônable buzz, on s’étonnera que d’autres n’aient pas eu l’envie de passer un billet sur cet album surtout que le traitement d’une release par tous les webzines et blogs de rap se résument primairement à montrer la pochette,  la tracklist et pour les plus perspicaces à reprendre les phrases d’accroche du label en charge de la diffusion de l’album. Il semblerait donc que même le copier-coller soit une dépense d’énergie trop importante pour traiter du mc.


Au fond on pourrait presque comprendre si ce second album de Chuck qui sort 20 ans après son premier solo étaient d’une qualité proche du zéro absolu (genre Crown Royal de Run DMC) et encore, compte tenu que tous ces organes relayeurs sont capables de vous balancer n’importe quelle daube ayant eu un minimum de buzz ou assurant des vues assez importantes pour qu’ils puissent se branler sur leur statistique Google analytics. On a beau retourné le problème dans tous les sens, rien de raisonnable ne sort de ce triste constat, rien de compréhensible ne peut expliquer qu’un pilier de ce mouvement soit laissé pour compte sur le bord de l’autoroute du rap…

Cette chronique ne sera pas un hommage ou une espèce d’éloge à la con énumérant tous ce que le « défunt » a pu apporter au mouvement, non cette chronique sera juste un relai à un homme qui n’a jamais baissé les bras, à un mc qui a travers toutes ses années a poursuivi  son combat et qui aujourd’hui continue à se dresser de la meilleure façon qu’il soit capable : en sortant un album de qualité et qui le caractérise, la fameuse touche Bomb Squad (même si l’équipe ne semble pas crédité pour cet album). Alors si vous ne saviez pas que Chuck D avait sorti le 1er août 2014 son deuxième album solo The Black In Man, espérons que les lignes qui suivront vous donneront l’aplomb pour repasser en mode révolution et que les réminiscences d’un bon fight the power, même pour ce que ça vaut, vous motiveront à l’écouter.

A force de subir, une mode musicale portée sur  le superficiel complétée par une ode à la débilité, on se lance dans cet opus sûr  que le Chuck va venir nous secouer assez fort pour retrouver une once de rébellion. Alors que l’intro commence en douceur, Spread The Word fait monter le poing à la verticale. Tout le savoir-faire de plus de vingt ans d’activisme musical permet encore aujourd’hui à Chuck D de sortir des instrus qui transpirent le Bomb Squad sans faire rétro. Une bonne dose de vitamine que Chuck D partage avec Jaziri X et Jahi. La force de Chuck D ce n’est pas son flow ni ses lyrics mais la personnalité qu’il arrive à dégager, ce sentiment de puissance qui te fait douter. Une puissance vocale qui te donne l’impression que le micro va lui éclater dans les mains. Les années passent et cette force est toujours là, alors oui on ressent quand même un flow en souffrance qui semble plus parlé que rappé mais le monsieur a cette carrure intemporelle qui en impose direct. Et sur un morceau comme Spread The Word il nous sort la panoplie face à deux petits jeunes qui envoient sévère niveau flow mais qui n’arrive à faire de l’ombre à Chuck D. On continue cette marche musicale et quand  la soul de Mavis Staples vient direct te taper le tympan, on sait que la redescente n’est pas encore d’actualité. Dans une atmosphère gospel-soul, Chuck D nous rappelle que son engagement n’est toujours pas mort et qu’il va falloir y aller au marteau piqueur pour le faire taire. Gares à tes droits civiques, l’homme garde une philosophie de shoot to kill. En tant que précurseur du style rock dans le rap, on ne pouvait pas imaginer retrouver Chuck D sans un gros rift de guitare par contre on pouvait légitimement s’attendre au pire quand on se rappelle ce que le dernier Cypress Hill donnait à ce niveau-là. La pose de prothèse auditive ne serait pas pour tout de suite car Ican envoie du très sale et le petit protégé de Chuck D, Jaziri X, monte la gamme sans problème. 30 ans de carrière et un discours qui ne change pas car au fond rien ne change et  tout s’empire, et quand Chuck D s’attaque au système pénitencier américain, c’est avec une rage froide et calme qu’il s’y attèle sur une production digne d’un bagnard de Virginie. Un petit TV brainwashed pour la route, on replonge dans les années 80 avec l’atmosphère de Leave With Your Own Mind, Chuck D en solo ça reste tout de même du Public Enemy avant tout mais contrairement à certains groupes de la même décennie, on ne reste pas figer et on essaye d’amener son style avec un minimum de fraicheur. On ne pouvait pas avoir que du bon même sur un album qui se veut court et efficace, Grudge remplit le rôle de boulet avec sérieux et style : c’est chiant et sans intérêt. Peut-être que dans vos rêves les plus bizarres vous aviez espéré une fusion des voix de James Brown et de Chuck D, voilà votre trip réalisé : Say It Loud (I’m Black and I ‘m Proud), un morceau qui nous balance un bon gros groove façon Godfather Of Soul, un dernier cassage de nuques qui clôture parfaitement cet album de 8 tracks. Une remarque tout de même, on n’est pas loin du format EP en définitif, l’intro et l’outro ont le rôle de placebo pour nous faire croire à un long format, une frustration palliée par la qualité d’ensemble de cet opus mais frustration quand même.

Si les ventes de l’album reflète l’intérêt général qu’a provoqué sa sortie, il y a de forts risques que Chuck D tire la gueule voir sa révérence pour se consacrer uniquement à Public Enemy. Quand on voit la qualité de cet album, on ne peut que développer une amertume face à un rap jeu complètement déshumanisé. On ne vendra pas ce Black In Man comme l’album de l’année ni comme le meilleur travail de mais cet opus a assez de valeurs et de droiture pour mériter de faire partie de liste des meilleurs albums de l’année.

Chuck D – The Black In Man (2014)
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6 comments on “Chuck D – The Black In Man (2014)

  1. M-E-R-C-I !!!

  2. Je comprends la démarche je comprends le partie pris je reconnais être passé complètement à coté mais ce que je pige pas c’est que quitte à parler de Chuck D il faut aussi parler des Public Enemy 2.0 et de leurs People Get Ready ainsi que de Marc 7 et de son Food, Clothing & Shelter et surtout du combo Slimkid3 DJ Nu-Mark… (j’attends ta chro de ce dernier et du Diamond D !)

  3. Thadrill on said:

    J’aimerai bien parler de tout ça mais le problème c’est le temps ! Logiquement le Slimkid3 je vais le chroniquer içi surement la semaine prochaine à moins que je fasse le skeud de domingo avant. Le Diamond D devrait être chroniqué sur le site www.reaphit.com (mais on sera pas d’accord ah ah ah) où je lâche des chroniques de temps en temps (The Legion, Cormega, Jeru, Apathy et Azaia, celle des Dilated People devrait être lâchée sur Reaphit fin de journée je crois).

    mais après oui c’est l’ensemble de la sphère P.E. qui est délaissée par les relais médiatiques et pourtant les projets s’enchainent et la qualité reste de très bonne facture.

  4. Je sais pas ce qui me prend avec le Diamond D, j’ai été possédé je crois je me rends bien compte que si le skeud avait été rempli de « pain » ca aurait d’une toute autre dimension mais c’est loin d’être le cas still je prend quand même mon pied et j’assume.

    J’ai pas le réflexe reaphit.com mais je vais l’adopter, je comprends pas tu as des chro chez eux qui n’apparaissent pas ici, tu es employé ?

    Les relais médiatiques ont abandonné j’ai l’impression le hip hop et ses lettres de noblesses au défaut d’une musique qui me correspond de moins en moins.

    Rien à voir mais je viens de voir que les Epsilon Project ont lâche un projet et ça m’a fait sourire parce que ca m’a directement renvoyé à l’époque Wyldbunch et les litres de haines déversés haha un grand moment ça aussi.

  5. Thadrill on said:

    y a des choses pas mauvaises mais pour un retour de Diamond D ça fait un peu flipper le niveau, j’espère que c’est pas un prémice de ce que nous réserve Lord Finesse..

    Reaphit c’est une association avec une équipe vraiment péchue et réactive, on collabore ensemble, on va dire que j’apporte une touche du vieux con réac. Mais j’oublie de faire le relais sur mon blog, je devrais le faire mais le temps, toujours le temps.

    Les relais médiatiques vont là où le buzz se crée de ce fait ce qui semblait être la norme avant est devenu l’exception actuelle, le rap que l’on écoute ce n’est plus le rap qui est écouté aujourd’hui. Le rap au sens noble du terme, les gens le percoivent dans ces nouvelles têtes Bada$$, Staples, Nehru & Co pas dans de vieux acteurs comme Chuck D ou Diamond D. Leur place est auprès de leur fan base d’où l’inintérêt des médias spécialisés sur ce type de personnage.

    Oui j’ai vu Epsilon Project, au départ j’ai bugé, je me suis dit putain je connais mais plus moyen de remettre du son sur leur blase. Je vais pécho direct y a forcèment du bon depuis le temps. Le Wyldbunch, j’ai plus de contacts, il a fait retirer nos clashes maintenant il roule avec Effiscienz, j’ai même pas cherché à écouter !

  6. Je comprend pas, même si j’exagérais avec mon « dire que on se fait chier en l’écoutant et que c’est sans saveur c’est un peu comme renier et chier sur l’héritage du rap » il y a quand même une part de vérité, si les joey badass et co font ce qu’ils font aujourd’hui c’est parce que il y a eu des P.E. des D.I.T.C etc… sans ça il n’existerait pas donc oui il vont chercher la ou le buzz se trouve mas de la à ignorer complètement « l’héritage » quand ce dernier refait surface même si c’est bancale je trouve ça triste.

    Bref vaut mieux en rester là, sinon c’est quand même dommage de plus du tout poster sur otc, ouais je sais, mais bon au moins tu viens quand même jeter un œil de temps en temps c’est déjà bien.

    Prend soins de toi, peace.

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