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Meyhem Lauren & Buckwild – Silk Pyramids (2014)

Croire que la réussite dans le rap relève uniquement du talent de l’artiste est une douce utopie, un album, sauf cas exceptionnels, est un entrelacement de choix et de stratégie qui vont avoir un impact aussi bien à court terme qu’à long terme, et le facteur humain y est primordial. Penser que le succès réside exclusivement dans les qualités innés d’une seule personne c’est se rapprocher de la connerie et pour ceux qui suivent cette voie, l’échec est la seule finalité qui leur sera offerte (combien de mcs se plantent par leur propre choix ?). En 2007, Celph Titled jonglait entre ses deux groupes AOTP et Demigodz au style très proche pour ne pas dire identique. Au moment de se lancer en solo, il a eu l’intelligence de réfléchir à ce qu’il souhaitait faire, un choix qui pouvait se résumer à deux possibilités, continuer dans le même style que ses collectifs ou prendre un contrepied histoire d’ajouter une corde supplémentaire à son arc et ne pas s’enfermer dans un style qui déjà commençait à s’épuiser. Une association avec le légendaire producteur du D.I.T.C. Buckwild et 3 ans de travail derrière, on retrouvait Celph Motherfuckin Titled avec un Nineteen Ninety Now d’une haute qualité musicale qui avait su puiser dans le vivier du producteur du D.I.T.C. tout en gardant une touche de modernisme pour en faire un album majeur de ces 10 dernières années. En s’imposant dans un style diffèrent, le mc se plaçait comme un des mcs les plus complets du game, une stratégie donc payante malgré l’arrivée sur la même année d’un Marcberg d’un point supérieur lui volant ainsi le trône de l’album de l’année.

Sans vouloir rapprocher le niveau de qualité de l’opus de Celph Titled avec le second album du meilleur représentant des Lo-Lifes Meyhem Lauren, Silk Pyramids, on s’aperçoit que la stratégie utilisée par le résident de la scène de Philly a donné des idées. Si l’homme est capable de produire un Nineteen Ninety Now d’un tel standard, il doit être capable de faire de même pour un Silk Pyramids. Meyhem Lauren, pour ceux qui suivent avec assiduité le son des rues de la grosse pomme, ne fait pas que vendre du polo RL gun à la main et quand l’homme troque son polo pour un micro il sait y mettre les formes. Découvert par J-Love avec la vague de newcomers qu’étaient les Action Bronson, AG The Coroner (tous les 3 formant les Outdoorsmen), Whyz Ruler and co, l’homme part déjà avec une carrière solo plutôt solide en plus de savoir se saper comme un gentleman. De son album en collaboration avec l’homme providentiel J-Love (Acknowledge Greatness) à son très bon double CD Self Induced Illness dont Got The Fever est une des plus belles réalisations, l’homme est souvent de la partie dans les gros sons new-yorkais. Son amitié avec Action Bronson aidant (qui se concrétise par un nombre conséquent de feat. Chez le gros roux), le Meyhem Lauren a su se construire un costume griffé Ralph Lauren plutôt solide. Mais voilà tel l’aiglon, il était venu le temps de se barrer de chez maman aigle J-Love est de voler de ses propres ailes.


C’est à la légende Dante Ross connu pour avoir lancé la carrière d’artistes comme De La Soul, Pete Rock & C.L. Smooth ou encore Leaders Of The New School que l’on doit la rencontre du producteur avec Meyhem Lauren en 2012. Malgré les années, l’homme garde un bon flaire car directement les deux larrons se mettent sur la même longueur d’onde. Il aura fallu plus de deux ans pour que cette rencontre se transforme en album. On pense directement à un projet construit doucement sur la longueur alors qu’en fait il se passera presque deux ans entre un premier enregistrement de deux tracks et la finalisation du reste en moins de deux mois. La cause à des calendriers respectifs bien chargés et surtout à la volonté de Buckwild de se lancer dans ce projet en ayant au préalable créer son propre studio d’enregistrement. Buckwild qui était jusqu’alors très old-school dans sa vision de la production s’est complétement modernisé délaissant ainsi le studio classique pour un home studio avec configuration Pro Tools (ce qui semblait inenvisageable au moment de sa collaboration avec Celph Titled). Fini aussi la MPC old-school et bonjour à la version ordi du produit avec la Akai Renaissance (vous vous demandiez ce qui pouvait clocher aux premières écoutes sur cet album, il est possible que ce nouveau tournant professionnel a eu un impact dans la saveur et la qualité de son travail).  Une fois le home studio configuré et les calendriers synchronisés, il ne restait plus qu’à se mettre au travail. Et le mot travail chez Buckwild et Meyhem Lauren ce n’est pas un mot qu’ils prennent à la légère. Pas de drogues, pas d’alcools, pas de bande de potes et donc pas de putes, des sessions de travail qui commençaient à 7h du soir pour finir à 7h du mat dans une ambiance strictement professionnelle. Une atmosphère très sérieuse et que les deux hommes affectionnent particulièrement permettant aussi d’obtenir un feeling et une ligne de production cohérente (et peut être trop cohérente). Les choix se sont fait à deux et le travail de Buckwild était rythmé par les orientations de Meyhem Lauren. En clair, il faut comprendre derrière cette approche que Buckwild n’a pas cherché à refiler des fonds de tiroir à Mister Satin ou inversement Meyhem Lauren n’a pas joué le raccroc niveau thunes et juste acheter les invendus, non ici on a tenté de faire du sur-mesure afin de rendre l’atmosphère de Silk Pyramid unique.

Pour Mr Thanksgiving, cette collaboration était aussi l’occasion pour lui de sortir un rendu plus mature au niveau de son écriture car si le natif du Queens arrive à en imposer au mic, il manquait terriblement de construction dans ses textes. Se retrouver à travailler avec une légende du statut de Buck, c’était l’occasion de passer donc un cap supplémentaire ce qui pour le coup est une des réussites de ce projet. Par contre, si vous pensiez que le gars allait arrêter de renommer ses tracks avec des blases sans logiques, le nom de l’album aurait dû vous avertir, entre Aztec Blue, Salmon Croquettes, Honey Champagne Sorbet, l’homme continue dans son délire métaphorique (ou plutôt dans ses combinaisons de mots sans sens). Moins entouré que dans ses précédents projets, Meyhem s’est restreint sur le projet à quelques noms dont les potes de longue date Action Bronson, AG Da Coroner et Heems mais aussi la famille comme son frère Hologram sans oublier son gang avec l’apparition du Lo-Life Thirstin Howl.


Si on résume donc la situation,  Silk Pyramids devrait se présentait comme un album très studieux où les deux protagonistes auraient réussi à capter l’univers de l’un et de l’autre pour rendre un effort assez marquant pour être une masterpiece. Malheureusement, on est très loin de cette conclusion car Silk Pyramids est un album décevant qui n’arrive jamais à démarrer ni même à emballer l’auditeur pour qu’il y adhère. On ne pourra pas non plus qualifier l’album de catastrophique, au plus c’est un album bon mais sans relief ce qui reste, avec le recul, un échec quand on connait le pédigrée des deux lascars. 13 titres linéaires dont aucun son ne sort vraiment du lot, on aurait aimé voir apparaître un titre à la hauteur d’un Got The Fever mais non…

Il serait dur de tirer sur un des deux en particulier mais le travail de Buckwild est très loin de ce qu’il est capable de faire. Sa nouvelle façon de travailler ou d’appréhender la technique a directement impacter sa touche. Le passage à la Native Instruments ou à la Akai Renaissance semble l’avoir désorienté. De plus le mixage qu’il a voulu effectuer via une configuration Pro Tools n’a aucun relief, rien ne ressort à l’écoute. Quant à Meyhem Lauren, on peut se demander si les beats étaient vraiment taillés pour son style et comment lui n’a pas insisté sur une approche différente… Une pyramide de soie ça semble beau mais surtout fragile, la preuve en 13 titres où celle-ci n’arrive pas à tenir sous le coup de la frustration et s’écroule dans l’oubli.

 

Meyhem Lauren & Buckwild – Silk Pyramids (2014)
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One comment on “Meyhem Lauren & Buckwild – Silk Pyramids (2014)

  1. « rien ne ressort à l’écoute »

    C’est malheureusement exactement ça, j’avais misé mon billet sur ce projet mais à absolument rien ne m’a permis d’y croire de l’ennuie c’est ce que j’ai ressenti, c’est pas mauvais mais ca frôle quand même l’adjectif, mes compétences ne me permettent pas de dire si le résultat est directement en lien avec son changement de matériel mais quand même les deux bonhommes ont bien du sentir à un moment que le chemin qu’ils empruntaient été peut être pas le bon…

    Enfin bref quand je vois que Meyhem Lauren va sortir une merde avec Muggs je me dis que peut être tout ça a un sens…

    (Rien à voir mais à chaque fois que je tombe sur une prod de Cool FD je ne peux m’empêcher de te remercier intérieurement ^^ : TruChemistCookUp )

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