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Azaia – l’interview (2014)

J’avais pris rendez-vous pour une simple consultation histoire de faire un petit check-up mais c’était sans compter sur Azaia aka le docteur du label Marvel Records. Au fur et à mesure que la consultation se faisait, Azaia me déconnectait de mon petit confort virtuel pour me réanimer à coup d’instru bien carrés. En exclusivité, voici la rétrospective de cette consultation avec un vrai passionné et un personnage intègre.

 

Tha Drill : Le nom d’Azaia raisonne pour nous depuis 2-3 ans mais tu n’es pourtant pas nouveau dans le game. Peux-tu nous rappeler ton parcours jusqu’à maintenant ?

AZAIA : Mon parcours est lié avec mon meilleur ami Kyo Itachi, on vient tous les deux du Blanc-Mesnil, on marche ensemble depuis le milieu des 90′s. C’est moi qui l’ait instruit sur la musique, le Hip-Hop, mais c’est lui qui m’a fait pénétrer dedans et m’a donné envie d’y faire des choses.

Pour résumer mon parcours dans la production, c’est beaucoup de beats distribués en 10 ans et peu de retour, quelques participations à des projets FR/US/UK, puis deux essais en groupe ainsi que de belles rencontres. Je pense à Daz Ini, Mike, Fizzi Pizzi. Puis le virage déterminant en été 2009 quand Venom et moi étions en pourparlers pour que j’intègre son Label Marvel Records comme artiste Solo.

 

Dès le début il m’a prévenu, « je vais t’en faire baver, je serai difficile sur la direction, mais au final tu verras »

 

Tha Drill : L’arrivée chez Marvel Records, comment s’est fait la connexion et qu’est-ce qui t’as plu dans le projet du label ?

AZAIA : La connexion avec Marvel Records et Venom s’est faite à l’époque où j’étais dans le groupe Square Lohkoh (avec Myshap, ex Dune). On s’est tout de suite entendu, on parlait le même langage, on avait la même culture Hip Hop et surtout on avait faim !

Il passait de temps en temps quand on enregistrait et on partageait nos visions.

Quand Venom m’a dit que je pourrai intégrer son Label en solo c’est comme si Time Bomb ou autres me voulait, en mieux. On ne m’avait jamais rien proposé de concret dans la musique.

Dès le début il m’a prévenu, « je vais t’en faire baver, je serai difficile sur la direction, mais au final tu verras ». J’ai signé sans hésiter.

 

Tha Drill : On sent une vraie complicité dans ton travail avec Venom, qu’est-ce que le mc/producteur t’a apporté ?

AZAIA : La complicité, on l’a acquise à force de discutions sur le monde qui nous entoure, comment se comporter, suivre son instinct, être soi-même, faire les choses bien sans jamais rien laisser au hasard, la musique en découlera.

 

Tha Drill : Pour ton album Re-Animations, sur quel type d’équipement tu as travaillé ?

AZAIA : J’ai travaillé en majorité sur Akai MPC 60 &2000xl. J’ai aussi utilisé, mais très peu, une Emu SP1200 et un Akai S950 pour le symbole seulement.

 

Tha Drill : Est-ce que tu as travaillé exclusivement sur du sample pour cet album ou tu composes aussi ?

AZAIA : Depuis que je fais de la musique, je sample. Je ne peux même pas imaginer composer. Je sais que ça serait catastrophique. On a vu tellement de producteurs perdre leur identité en passant du sample au clavier, ou même en changeant de machine. Je me suis toujours dit : autant sampler et essayer d’avoir une touche. Certains trouvent que j’en ai une, je l’espère.

 

Tha Drill : Je me rappelle d’une interview de Large Pro qui disait que sampler est bien plus créatif que de composer. Tu prends la musique de quelqu’un et tu en changes la vision, tu te l’appropries. T’es dans la même vision du beatmakin ?

AZAIA : Je ne sais ce qui est plus créatif. Large Pro est un Mad scientist, je ne vais pas le contredire. Je ne compose pas à l’aide d’instruments, sampler est, comme pour beaucoup d’autres, ma façon de composer. J’ai lu une interview dans laquelle il disait qu’il écoutait les musiques en entier et ne samplait pas que les débuts de morceaux. Je pense donc que notre vision du beatmaking est la même.

 

Tha Drill : Ça représente combien d’heures de Diggin’ en tout de faire un album ?

AZAIA : Une vie. La recherche est incessante, 14 ans que j’amasse de la matière première.

 

Tha Drill : On sent dans ton travail et plus particulièrement sur ton album l’influence des années 90 pour autant tu ne tombes pas dans la nostalgie complète, comment as-tu fait pour prendre le recul nécessaire ?

AZAIA : Les influences sont là, indélébiles, je vis avec mon temps mais je n’absorbe aucune tendance. Il y a des règles en moi qui font que je perpétue à ma façon un savoir-faire, une tradition.

 

Tha Drill : En écoutant ton album, il y a deux beatmakers qui me sont venus en tête : Buckwild et K Def, est-ce que tu te reconnais dans leur façon de composer ?

AZAIA : Que ces noms te viennent en tête est pour moi un compliment, même si au final, j’aimerais que ma musique n’évoque que mon nom. J’aime beaucoup ces producteurs que j’ai d’ailleurs dédicacés dans mon disque.

Ils m’ont tous influencé à leurs manières, dans leurs paroles ou leur musique. Après le but est de se détacher en trouvant, à force de travail, ses propres techniques.

 

Tha Drill : D’ailleurs à propos de ta technique est-ce que tu ne trouves pas que Re-Animations est une autre facette de ton travail pour ceux qui t’ont découvert à travers des sons comme Move On du groupe Bankai Fam ou Under Pressure de Skeezo ?

AZAIA : Pour chaque artiste, production ou projet, j’essaie de raconter une histoire différente. En ce moment par exemple, je bosse avec Espiiem (album Cercle Privé, sortie le 20 mai 2014). Musicalement, c’est différent de ce que l’on peut entendre sur mon album, ou avec Bankai FAM ou Skeezo.

 

Les influences sont là, indélébiles, je vis avec mon temps mais je n’absorbe aucune tendance

 

Tha Drill : La structure de tes beats semble très technique, on a l’impression que tu as utilisé plusieurs samples pour chaque beat, tu confirmes ?

AZAIA : J’ai une technique un peu particulière au moment de faire des productions. Je forme ou crée mes mélodies avec des bouts de samples que je récupère sur différents disques. C’est souvent du grand n’importe quoi qui devient quelque chose une fois les sonorités empilées.

 

Tha Drill : Tu as laissé la partie du mixage à Venom, Astronote et Cargo, tu peux expliquer pour les néophytes l’importance du mixage sur album comme Re-Animations ?

AZAIA : Je trouve la pierre, je la sculpte, Venom la polie, Astronote la calibre et Cargo mastering y met le vernis final.

 

Tha Drill : Pour la partie scratch, tu as laissé la main à Venom, comment ça marche ? C’est toi qui oriente le type de scratch que tu veux où tu laisses carte blanche ?

AZAIA : Venom dans tous les cas, sait ce qu’il fait, pas de feu d’artifice, de technicité sans queue ni tête mais de la mélodie, de la musicalité.

En amont, on écoute les morceaux, on discute et on confronte nos visions.

 

Tha Drill : L’ambiance de City’s Flesh est vraiment prenante, pour les amateurs de beatmakin’ peux-tu expliquer comment tu as travaillé cette prod ?

AZAIA : On ne peut pas expliquer ce que l’on ressent quand on fait de la production. A la base c’est très rare que je fasse une production avec quelqu’un présent dans le studio avec moi, j’aime bien être seul et laisser ma conscience, mon oreille me guider. Pour ce titre l’idée principale était de faire un son de ville qui appellerait les sens de la nuit.

 

Tha Drill : On essaie toujours d’établir un fil conducteur sur un album pour qu’il y ait une cohérence entre les tracks. Pour y arriver comment t’as réfléchi à l’ordre des pistes ?

AZAIA : On a presque monté l’album instrumental avant d’avoir les titres finis. Dès qu’un track était finalisé on l’injectait à la place de l’instru, et ainsi de suite, comme les pièces d’un puzzle.

 

Tha Drill : Pour clôturer la partie beatmakin/production, quel principal conseil tu donnerais à ceux qui souhaitent se lancer dans cette aventure ?

AZAIA : Soyez passionnés, étudiez les « maitres » sans les copier et soyez patients.

 

Tha Drill : Parlons de l’album en lui-même, comment t’es venu le concept de Re-Animations ?

AZAIA : Venom m’appelait souvent le docteur, sûrement par rapport à ma façon de faire du son organique et peut-être aussi pour ma discrétion. Je garde le secret professionnel dans toute situation : d’où viennent les samples, de quels disques, comment faire un beat etc…. En dehors des membres de Marvel et Kyo, je ne dévoile rien, nous on ne joue pas avec ça !

Chez Marvel Records il y a une grosse culture VHS, et une culture de la vision, qu’ils (Venom & Mc Zombi) adaptent à chaque disque pour lui donner une identité. Et une leur est venue naturellement pour ce qui deviendra Re-Animations, le docteur qui abandonne ses tubes à essai les remplace par des câbles, des péritels, qu’il branchera sur un patient prêt à se faire réanimer pour le meilleur ou pour le pire.

 

Sur mon disque je ne pourrai pas dire si j’ai réussi à ré-animer le Hip-Hop, le patient ou l’auditoire, un docteur doit faire ce qui est en son pouvoir pour sauver la vie de celui qu’il opère, c’est une mission commune et intemporelle.

 

Tha Drill : En parlant de culture VHS, c’est Laurent Melki comme pour les autres albums Marvel qui signe la signature de ton album, comment as-tu collaboré avec lui ?

AZAIA : Melki est l’illustrateur attitré de Marvel Records, dans la musique, il ne fait des peintures que pour Marvel, c’est comme un membre du label, un personnage important dans le processus de chaque disque, parce qu’à chaque dessin il influence la musique lorsqu’on la finalise, il a signé et signera toutes les sorties du label !

 

Tha Drill : Est-ce que l’on doit comprendre qu’après les années 90, les cerveaux ont été contaminés par du rap de merde et que les gens ont besoin d’un électrochoc boom bap pour se réveiller ?

AZAIA : Les cerveaux sont contaminés par toutes sortes de choses surtout par ce qu’on leur donne sur un plateau.

Sur mon disque je ne pourrai pas dire si j’ai réussi à ré-animer le Hip-Hop, le patient ou l’auditoire, un docteur doit faire ce qui est en son pouvoir pour sauver la vie de celui qu’il opère, c’est une mission commune et intemporelle.

Tout ce que je peux te dire c’est que le premier branchement s’est fait sur les featuring qu’on appellera cobaye. Il entend le son, il se passe quelque chose en lui, il parle, il dit des choses et ainsi de suite. Les opérations doivent susciter des réactions en chaîne.

 

Tha Drill : Tu as décidé de travailler qu’avec des artistes US, pourquoi cette préférence plutôt qu’avec des artistes francophones ?

AZAIA : A la base je voulais mélanger français/US mais nous avons abandonné l’idée rapidement, parce qu’on voulait faire un disque international sans la barrière de la langue.

Parallèlement, je bosse avec des Français.

Tha Drill : Quand on se lance dans un album de producteur, on attend un réel investissement des artistes, comment as-tu choisi les artistes avec qui tu as collaboré ?

AZAIA : On a branché des câbles sur certains artistes qui ne comprenaient pas notre projet. Au final on a gardé les plus aptes à servir le concept. Pour le choix, il s’est fait au fil des années, des rencontres et des envies.

 

Tha Drill : Sans indiscrétion, il y a eu combien d’enregistrement de fait avant d’arriver à la tracklist finale ?

AZAIA : Niveau enregistrement tout se trouve sur l’album.

 

Tha Drill : Frankenine avec Nine est une des combinaisons les plus meurtrières du LP, comment tu as réussi à le ramener ?

AZAIA : Contrairement à plusieurs artistes avec qui j’avais déjà eu un contact ou un passé, Nine était une opération programmée, une tentative. Cela passait ou pas, d’où le morceau FrankeNine. J’ai demandé à Kyo Itachi de le contacter, pour lui proposer une greffe. Le travail a duré quelques mois, on l’a branché sur le beat et on lui a donné le concept et le titre du morceau. Les choses se sont bien passées, il a ouvert les yeux et le monstre est sur l’album.

 

Tha Drill : Est-ce que tu as eu ton mot à dire sur les textes des mecs ou tu leur as laissé faire ce qu’il voulait ?

AZAIA : Venom (executive producteur de l’album) m’a convaincu que cet album c’était MON album, pas celui des featurings, qu’il fallait leur donner à chacun une ligne directrice, un thème, un titre, pour que l’album soit un concept et pas une compilation.

La plupart des thématiques ont été influencées, sauf pour 2, 3 morceaux que je possédais déjà mais qui rentraient dans l’album.

 

Tha Drill : Avec des artistes comme Fel Sweetenberg ou John Robinson ça semble plus facile de composer qu’avec des mecs comme les Dirt Platoon et Reks plus habitués à partir dans tous les sens, comment tu as réussi à canaliser toutes ces énergies ?

AZAIA : Un simple branchement a suffi que ce soit pour John Robinson ou Dirt Platoon, ils ont été très réceptifs au flux.

 

Tha Drill :  Au niveau des instrus, le choix s’est fait comment avec les MCs ?

AZAIA : Le seul vrai choix qu’on a laissé aux artistes c’est de participer ou pas à l’album, sans qu’ils sachent vraiment ce qu’il serait au final.

Pour les instrus, comme je te disais tout à l’heure, Re-Animations est mon album. A chaque fois on a donné une production (des fois j’ai même changé la production après l’enregistrement) le titre et le thème, tout en expliquant en amont le concept de l’album.

En ce qui concerne l’appellation « rap underground », c’est une malédiction car elle pose une image limitée alors qu’on aimerait tous être plus exposés et sortir justement du tunnel pour toucher plus de monde.

 

Tha Drill : Sur The A Game avec Wildelux, il n’y a pas de hook pourquoi ?

AZAIA : C’est un album de producteur, pour ce titre on a voulu laisser place à la musique.

On avait déjà suffisamment de refrains, dont un totalement scratché sur No Cure. Même si la musique que l’on fait est répétitive, on a essayé sur certains détails avec Venom, d’être totalement différents, dans les structures début/fin des morceaux. Sur l’album il y des morceaux avec trois verses, deux, même 1 verse pour celui avec Blu par exemple. On en a avec le patient qui commence dans le vide ou par le refrain. Tous les morceaux sont structurés, étudiés, même si à première vue, on le sait, l’auditoire entend juste boom boom tchak et un mec qui rappe.

 

Tha Drill : L’appellation « rap underground » est souvent galvaudée, c’est devenu un objet de marketing et il n’est au final pas synonyme de qualité. Qu’est-ce qui fait de Re-Animations un album rap underground de qualité ?

AZAIA : Ce n’est pas à moi de juger la qualité, il y aura toujours des supporters et des détracteurs. On a essayé de tirer le maximum du concept, avec minutie, sur tous les aspects : la musique, la cover, le livret…etc.

En ce qui concerne l’appellation « rap underground », c’est une malédiction car elle pose une image limitée alors qu’on aimerait tous être plus exposés et sortir justement du tunnel pour toucher plus de monde.

 

Tha Drill : Ton album Re-Animations va forcèment t’amener plus de visibilité et donc de crédibilité, quel est la suite de tes aventures au sein de Marvel Records ?

AZAIA : Je ne sais pas encore. Je vais promotionner mon album quelques temps, le faire vivre avec des additifs. La suite chez Marvel c’est l’album de Venom et le maxi de MC Zombi dans lesquels j’apparaîtrais.

 

Tha Drill : Tu parlais de ton pote Kyo Itachi en début d’interviews. Avec lui et Astronote, vous avez monté l’équipe Jupiter A.K.A., tu peux nous en dire un peu plus ?

AZAIA : Jupiter A.K.A. c’est une équipe de production, qui peut faire des disques de A à Z. La première expérience était le Ep vinyl ‘’On My Side’’ de Bankai FAM, produit, mixé, emballé. D’autres projets suivront probablement.

 

Tha Drill : Au niveau rap français, tu as travaillé récemment sur l’EP de Sept qui devrait bientôt sortir. Tu peux nous en dire un peu plus sur cette connexion qui risque de faire mal ?

AZAIA : Je ne sais même plus comment la connexion s’est faite avec Sept. Je pense qu’on a d’abord discuté sur le web, puis au fil des conversations, il s’est intéressé à ce que je faisais, suivait un peu mes actus. Un jour il m’a demandé si j’étais ok pour participer à son Ep. J’ai tout de suite été partant car je connaissais déjà son travail en solo, avec Olympe Mountain ou Grems.

 

Tha Drill : Pour finir cette interview, quels sont tes disques de chevet actuel ?

AZAIA : Toujours les mêmes The Low End Theory, Soul On Ice, At The Speed of Life, Dare Iz A Darkside, The Extinction Agenda, Cold Vein, Innervisions …..

Azaia – l’interview (2014)
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2 comments on “Azaia – l’interview (2014)

  1. bien joué l’interview, même si j’ai pour l’instant du mal avec le re-animation tu sens quand même que le gars est un gros bosseur et qu’il est sérieux sur ça il y a pas de souci, il suffit d’écouter ce qu’il lâche depuis quelque années c’est juste impressionnant et puis je suis d’autant plus impressionné quand je vois que que le bonhomme et capable du grand écart sans sans sourciller ( On Prend Le Contrôle / Under Pressure / Tout de Noir Vêtu)

    Je maintiens quand même que le mec a un péché pour tout ce qui « sonne » … en 2005 déjà sur le Grisbi ça sonnait… mais pourquoi pas.

  2. gwda... on said:

    j’ai bien apprécié l’article…..
    L’Artiste est dans le temps….
    Bonne Continuation……

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