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Isaiah Rashad – Cilvia Demo (2014)

On pourra déblatérer des heures sur ce que sont les valeurs vraies du rap, passer ses après-midi à faire sa tapette pleurnicharde sur les réseaux sociaux en expliquant ce qui est real ou pas, le constat est là, net et sans bavure, la vague hype actuelle se veut paisible, on ne kiffe plus sur des beats aux basses percutantes et aux bpm capables de vous foutre un AVC dès 20 piges. Non la nouvelle génération se veut coolante, telle la fumée qui s’échappe d’un gros blunt, le downtempo, les rythmes paisibles à la limite psychédélique comme une fusion des racines musicales les plus obscures du south et de la west coast. Rien d’étonnant de voir des artistes comme Smoke DZA, Curren$y, Kendrick Lamar et sa bande de plumeaux du TDE tenir le haut du pavé. Alors oui à part se lancer dans une psychothérapie lyricale de comptoir sur l’autodestruction et le choix entre se faire sucer ou péter un blunt, on frôle le zéro absolu de la rime dont Schoolboy Q est la plus belle des caricatures. Derrière cette renaissance de la vibe hippie à la sauce hood, y a peut-être certaines choses à gratter, car la genèse de ce mouvement repose aussi sur ce que peut apporter de plus mélodieux le style dirty south d’Outkast et la renaissance de la G-Funk. Après avoir essayé, en vain, de comprendre l’adoubement de Kendrick Lamar, d’avoir tenté sans réussite d’écouter l’album de Schoolboy Q, je pensais ma capacité auditive complétement réac et incapable d’accepter la modernité (ou tel le Eric Cartman du rap, l’idée de voir des hippies dans ce rap jeu m’était insupportable). Il aura fallu que par un concours de circonstances inexplicables je me retrouve à écouter Isaiah Rashad et son Cilvia Demo.

Alors qui est Isaiah Rashad ? Autre cas clinique de l’écurie TDE (à une époque on aurait parlé de soldier), Isaiah est à lui seul une genèse de cette merde musicale qui se multiplie. Originaire du South, c’est avec l’équipe californienne qu’il va pouvoir mixer au mieux les deux influences. Espèce de Lil Wayne sous morphine qui serait tombé par erreur sur l’entrejambe de Kendrik, Isaiah Rashad a ce style de voix trainante à qui tu souhaites mettre des claques dans la gueule. C’est surement grâce à cet énervement provoqué que ce natif de Chattanooga arrive à nous maintenir éveiller et dubitatif. En plus le pauvre à toutes les caractéristiques du jeune qui vient de chopper sa première poussée d’acné et qui tape des trips chelou avec les petites culottes sales de sa sœur. On rajoute à ça que la vie d’Isaiah dans son sud natal semble d’un inintérêt complet variant entre le squatt à la station-service d’à côté et le quotidien de la vente de stup de son frère. Bref rien de très de warriorz, mais on se prend parfois au jeu sur les relations père-fils qui se traduisent dans ce cas par la violence d’un père alcoolique et la capacité d’un fils à dépasser le trauma (je vous avais prévenu pour la psychologie de comptoir). Entre le vide intellectuel d’un Kendrick Lamar et la connerie sanctifiée d’un Schoolboy Q, Isaiah Rashad passe pour le Edgar Allan Poe du TDE. Peut-être aussi parce que le gars a cette culture musicale qui jongle entre Outkast et le No Limit de Master P, les références font légions et permettent aussi de le sortir du sentiment d’aliénation dans lequel il semble se satisfaire (malgré ses plaintes). En termes de skillz, Isaiah Rashad a les qualités pour répondre au style de vibe que l’album délivre. Voix trainante, rap parlé sans réel relief, le jeune mc montre très vite ses limites quand les bpm dépassent 10. En clair, le mec est techniquement limité mais tente de cacher ce désavantage par des intonations bien réfléchies.


C’est donc l’architecture musicale qui donne la cadence à ce Cilvia Demo. Espèce de poubelles faites de réminiscence d’Outkast, No Limit Records, G-Funk post 2000 le tout à la sauce TDE, cet album se distingue des autres crus du crew par sa consistance. Là où Kendrick Lamar doit sa survie à un Swimming pool, Cilvia Demo souffre de peu de ratés. Ambiance weed qui semble inviter à la méditation sur des boucles de pianos parfois minimalistes et des structures psyché à la Dungeon Family. La liste des prodos réussit le coup de maître de réunir une dizaine de beatmakers complétement inconnus et qui ont dû voir l’opportunité d’avoir une production sous les feux de l’aura des TDE. Dans le haut du panier on tiendra le trio de tête : West Savannah (dans le genre voix lancinante que tu rêves d’éclater sur un trottoir, peut pas mieux faire), RIP Kevin Miller (hommage au frère de Master P, sur une boucle bien planante) et l’entrainant Heavenly Father. Peu de choses insupportables, excepté des titres comme Banana, Brad Jordan (pas possible ça) ou Cilvia Demo.


Cilvia Demo et ce petit con d’Isaiah Rashad sont une erreur génétique dans le rap, ce genre de virus qui énerve et rend accro. On pourrait trouver 50 excuses pour pourrir cet album mais on n’arrivera pas à renier sa capacité à rendre addictif. On ne sait pas si ce type de rap est l’avenir du mouvement ou le début de sa perte, toujours est-il qu’il est enraciné depuis quelques années à sa survie et qu’un album comme Cilvia Demo s’il ne le régénère pas le maintien en état de vie, même végétatif…

Isaiah Rashad – Cilvia Demo (2014)
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