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Hugo TSR – Fenêtre Sur Rue (2012)

 

Le gardien m’avertit direct, l’ascenseur est de nouveau pété, encore les jeunes qui s’amusent à forcer les portes pendant qu’il monte me dit-il en plus des pseudos tags faits avec leurs trousseaux de clefs… les valeurs subsistent de génération en génération me rassurant sur la capacité de destruction des jeunes actuels. Il me reste plus que de prendre les escaliers et affronter cette odeur si commune de pisses et de produits d’entretien industriels. Quelques minutes plus tard, je sonne essoufflé, Hugo m’ouvre la porte, on se salue puis l’ex graffiti artist me fait rentrer, sur la table basse un mégot de joint et une bouteille de Jack Daniels trainent encore. On passe le salon et on s’accoude à sa fenêtre, je le regarde : « aller Hugo lâche le morceau », le mec hoche la tête, « Ecoutes et surtout regardes », Fenêtre Sur Rue

On croyait le rap loin de ses années de dépression, devenu enfant gâté par sa nouvelle génération plus avide d’une reconnaissance esthétique qu’une recherche d’équité, il était dur de se retrouver dans les croisades pro-nombrilistes des acteurs actuels. Alors que le rap français est envahi par la futilité, un village d’irréductibles résiste encore et toujours à l’envahisseur, ce village n’est pas en Normandie mais dans le nord de la capitale : le 18ème arrondissement, espèce de microcosme ayant fait de la réalité leurs fonds de commerce à l’inverse de la banlieue qui se recycle dans le cirque. Et si il y a des aventures que l’on aime suivre c’est bien celle d’Hugo du crew TSR devenu un des leaders de cette scène complexe et aux ramifications étendues. Mettez de côté votre gaieté naturelle et plongez dans la noirceur de la vie.


Ciao, ce 18ème bobotisé par des trentenaires en recherche de sensation forte et bienvenue chez Hugo là où rien n’a changé depuis 20 ans (Piège à Loup, loin de la bergerie des cadres sup venus en masse). L’homme narre sa rue, pas de douceur dans le discours mais une réelle peine en fond de discours. Fenêtre Sur Rue se positionne comme un Die Hard sans effets spéciaux avec un Hugo caméra au poing, Point de Départ ne cherche pas à introduire avec douceur on est directement parachuté dans son existence, avec une perspective d’avenir n’arrivant pas à griser le constat noir et sans équivoque, trame de fond de ce second album. Et dans cette descente, Hugo s’accommode de beats calibrés dans la même direction boucle de piano et violons s’entrecroisent sur une ambiance dark digne des meilleures déprimes du rap français, Hugo lui-même, Al Tarba, INCH ou encore Art Akind partagent la destruction musicale digne d’une journée d’enterrement. Alors Dites Pas globalise toute la rage d’Hugo et au final de son public, vision d’une génération déjà usée et sans perspective qui oscille entre frustration des actions manquées et rage viscérale d’un modèle de société complétement rogné et corrompu (Eldorado). La suite ? L’autodestruction voulue, Coma Artificiel et sa thématique drogue-alcool et l’achèvement sur le morceau éponyme, magistral dans sa plume Hugo ne vend rien, il rappelle ce que l’on fait exprès d’oublier. Mais Hugo, ex-graffiti artist, ne brule pas tout et si vous lui demandez un aller-retour d’egotrip dans la pure tradition, le larron ne sera pas le dernier à lâcher le couplet (Dojo, Dégradation) mais la réalité fait vite oublier cette partie du mc qui finalise son album sur un Old Boy sans concession envers lui-même.


45 minutes à la fenêtre d’Hugo et peu d’espoir d’y voir clair dans ce monde. Hugo n’a plus la force de sourire et nous entraine avec efficacité dans son constat noir. On ressort de chez lui et on se dit que la fatalité n’est pas loin, Fenêtre Sur Rue n’a aucune légèreté, il prend au bide, triture l’esprit et laisse l’auditeur face à une réalité plus proche de la Porte de la Chapelle et son périph que d’un 18ème cosmopolite et multiculturel symbolisé par les Abesses.

 

16/20

Hugo TSR – Fenêtre Sur Rue (2012)
3 vote(s)

2 comments on “Hugo TSR – Fenêtre Sur Rue (2012)

  1. Très bonne chronique et surtout très juste…
    L’album tourne quasiment en boucle, je m’attendais pas à un tel niveau depuis flaque de sample. Un mc qui surprend à chaque fois, et peut-être le dernier représentant d’un hip-hop à l’ancienne. Je suis pas aigri, loin de là, mais qui prend encore des risques, ou met vraiment de soi dans un album de rap aujourd’hui ?

  2. Bon blog! ;)

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