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NaS – Life Is Good (2012)

Juillet 1996, pas besoin de remonter uptown ou de descendre downtown pour se rendre à l’évidence : New York ne vit plus que par et pour le Hip Hop. Elle n’en est pas simplement l’icône, non, même midtown est envahie, Time Square transformée en un haut lieu des concerts sauvages par la Zulu Nation, les corners encombrés de vendeurs de mixtapes à la sauvette et Chinatown délaissant l’imitation des grandes marques du prêt à porter pour des imitations des marques Fubu, Karl Kani et autre Phat Farm. Loin de l’image angélique distillée par les mandatures répressionnistes de l’air Giuliani, le boom bap résonne de manière austère et vif, et devant le feu Virgin de Time Square les vendeurs venus du Sénégal de fausses lunettes Oakley esquivent les policiers au son des mixtapes de Funkmaster Flex.

A l’intérieur du store, le rayon rap dépasse de loin celui des autres genres musicaux, en tête de gondole It Was Written du fils prodige du rap US : NaS faisant suite à sa ou à la Master Piece du Hip Hop : Illmatic. Life is a bitch ? Again and again ! Mais ce deuxième opus scellera définitivement le rap au personnage et NaS comme figure de proue au grand public.

Seize ans après, la relation de NaS avec son public fut loin d’une traversée en eau calme : under rated, grande gueule, girouette, traître, syndrome de l’oreille non musical à la AZ, polémiste à deux balles,  les adjectifs qu’ils soient positifs ou négatifs ne manquent pas pour qualifier le Mc et sa carrière. Mais NaS reste NaS et chacune de ses sorties créées un Buzz naturel, comme si une auréole le protégeait et attirait tous les regards vers lui. Un pouvoir d’attraction tel que les commentaires les plus extrêmes de chaque bord apparaissent bien avant la sortie dudit opus.

Juillet 2012, soit seize ans piles NaS sort de nouveau de l’ombre au titre bien plus polémique qu’un Hip Hop is dead ou ex Nigger rebaptisé à la dernière minute Untitled : Life is good ! Fini donc le NaS jeune et révolté d’Illmatic ? Pas si sûr car si la vie est belle, certaines batailles restent à mener (la plus belle restant celle de père) et certaines défaites à digérer (comme son divorce d’avec la chanteuse Kelis symbolisée sur la pochette d’album par la robe verte de leur mariage).

Petite aparté histoire d’éviter les questionnements philosophiques entre niveau de flow et vieillesse : tandis que certains cherchent la cure de jouvence en s’acoquinant sans gêne avec les derniers producteurs à variantes pop / eurodance, pendant que certains cachent leur défaillance à coup de budget clip dignes de grosses productions Hollywoodiennes ou show visuels à la U2 en comblant leur inefficacité par du son et lumière ou que d’autres préfèrent les trente minutes de recueillement et autre hommage à base de RIP sur les 45 minutes de concert, NaS démontre que sa plume et son flow n’ont besoin que d’un micro et ainsi évite d’avoir le caleçon à la hauteur du baggy. When you’re too hood to be in them Hollywood circles. And you’re too rich to be in that hood that birthed you…


Donc voilà Life Is Good, NaS, destinée sinueuse d’un gamin alimenté de la noirceur des projects du Queensbridge jusqu’à l’âge adulte éclairer d’une carrière à l’image du personnage. Entre échec personnel et musical et points culminants, NaS entraine sa fan base (car l’album ne s’adresse pas à un autre public) sur un bilan de mi-parcours qu’il colore de ses introspections lyricales et surtout sur cette nouvelle adéquation au tableau : sa fille. NaS d’un seul coup moins loin plus abordable, père, fils de, divorcé, millionnaire et surtout toujours signé chez Def Jam. Effritez l’ensemble, et vous obtiendrez un album dans la lignée de ce que l’étoile du Queens offre depuis quelques temps, un album multi-tendance agrémenté d’une plume inoxydable mais qui a la sensibilité de toucher une corde sentimentale qui répond à un public lui aussi plus proche (et en attente de cette proximité). En résumé, Life Is Good, en terme musical prend en compte aussi bien les aléas de la vie (tracks mauvaises à inutiles) et que les moments de bonheur (street anthem et tracks matures adaptées à l’âge moyen de son public).


Life still a bitch ! Un album de NaS sans filers ne serait pas un album de NaS. Un des seuls artistes capables de vous sortir un Zone Out histoire de plomber son God Son, revient entre haute forme grâce à deux tracks spectaculairement mauvaises. Summer On Smash où le paroxysme de l’inutilité de Swizz Beatz, le beat ne se décrit pas, il ne s’écoute même pas, il est comme la souffrance : il se vit et l’on en vient vite à des envies de mort pour que le calvaire s’arrête (pour dire se taper Nastradamus en boucle est moins mauvais pour la santé). Blessé, rabaissé, on se dit que rien d’autres ne peut nous toucher et si l’on retiendra en cette triste année la disparition d’un membre important de la communauté Hip-Hop que fut Heavy D, on ne pourra se taire à l’écoute de The Don, espèce de bruits pour listener sous LSD qui aura demandé l’intervention de Salaam Remi et de Da Internz, 3 minutes de souffrance inutile. Passer cette adaptation musicale de la franchise Saw, le risque de mort accidentel est écarté et on retrouve des aléas beaucoup plus adaptés. On reste alors dans de la déception à demie teinte selon les goûts. Reach Out où la mauvaise blague de Salaam Remi de reprendre un beat cramé et même sur cramé et que l’on identifie tellement à Foxy Brown (la présence de la diva  Mary J. Blidge n’atténuant en rien ce faux pas). But I’m the CEO Of Nasty Nas Enterprise, mastermind, made men. My success symbolizes loyalty, great friends, dedication, hard work, routine builds character in a world full of snakes, rats and scavengers. Never make choices out of desperation, I think through it break through walls like Pink Floyd and drink fluids of all kind of alcohol, y’all Vineyards in France, yachts out in Cannes.


Life is so mainstream ! Dire que ce nouvel opus accumule toutes les facettes de NaS est loin d’être un comble tellement la direction artistique voulue par NaS (et surement par Def Jam qui pour le coup a sorti l’artillerie lourde niveau promo) s’oriente sur l’ensemble de ses influences passées dont une bonne partie reste tout de même un mainstream rap/rnb hérité de It Was Written. Le problème c’est qu’en 2012, cette vibe semble plutôt désuète et même quand NaS monte le niveau sur Bye Baby (son meilleur texte ou tout du moins le plus sensible), on ne peut s’empêcher de trouver la vibe et le hook complètement dépassés. Ce constat se répète sur You Wouldn’t Understand et pourtant Victoria Monet y met du sien (savoir que les crédits musicaux reviennent à Buckwild risque de  surprendre). Effet inverse avec l’addictif World’s An Addiction, accompagné par un Anthony Hamilton remarquable dès l’introduction du morceau, le morceau est un petit bijou, ambiance de ruelle noire, impression de désespoir mélangé au flow combatif de NaS, Salaam Remi livre une superbe composition loin des musiques d’ascenseur du Untitled (un grand merci à Mark Ronson)… Effet nostalgique ou de frustration, on ne restera pas insensible à Cherry Wine dernière apparition d’Amy Winehouse, morceau en toute simplicité qui prend à la gorge à force d’écoute (là encore Salaam Remi à son meilleur) et qui trouve écho via le bonus track Roses (quelle idée d’avoir enlevé ce type de morceau de la tracklist original…). Mais parlons vraiment Mainstream, le morceau de controverse : Accident murderer featuring Rick Ross… En tant que fondamentaliste, je ne peux que cracher à la gueule de ce type de collaboration qui au final apporte ni à l’un ni à l’autre tellement tous les sépare. Pourquoi Rick Ross alors que l’impact risque d’être à contrario de ce que les listeners attendent (surtout que NaS ne risque pas d’aller grappiller dans la fan base du gros) ? A part venir pourrir le morceau de No ID et se ridiculiser pour ses hors sujets constant, on se demande l’apport qualitatif voulu (à la rigueur on se dira que les « ouh » lâchés à chaque fin de line par NaS est un foutage de gueule ouvert envers un Ross complètement dépassé).


Life is good ! Et puis il y a LE NaS, ce personnage qui revient sans cesse en tête dès que le mot Hip-Hop raisonne dans les oreilles. Celui qui déclenche les popopopop !!! quand le beat semble trop fragile pour son flow. 1994, puts Queensbridge on the map, l’auteur de l’inégalable Illmatic, étiquette à double revers, que l’on recherche à chaque nouvel essai, un besoin d’adrénaline supplémentaire qui ne s’estompe jamais. Ce personnage là qu’on est toujours à deux doigts de perdre, absent sur Nastradamus, ressuscité sur God Son puis à nouveau oublié sur Untitled ressurgit de nouveau sur ce Life Is Good. Loco-Motive, ce putain de train lancé à toute vitesse que seul un mur de béton pourrait peut-être arrêté, symbole d’un mc toujours d’attaque sur un instru de No ID aussi strident que les roues métalliques d’une locomotive sur les rames. A Queens Story, histoire d’une idylle imperturbable, avec son quartier, loin des yeux mais proche du cœur, qui trouve sa symbolique dans le sample de The Bridge des Boogie Down Productions intelligemment placé par un Salaam Remi revigoré. The Bridge toujours au cœur, mais cette fois avec le sample de la version de Mc Shan (No ID), la force de la nostalgie entraine l’auditeur là où tout à commencer, pourtant Kool G Rap lui disait « do not look back ». On finira avec deux morceaux intimistes qui toucheront à des degrés différents les auditeurs : Daughters que l’on résumera avec ces verses : One day she’s your little princess, next day she’s talking boy business, what is this? They say the coolest playas and the foulest  heartbreakers in the world, God gets us back, he makes us have little girls. Dommage que l’intrumental ne soit pas à la hauteur de ce moment assez perturbant qui ne fait que renvoyer une part de jeunesse non réfléchie dont on en comprend enfin les conséquences (et la responsabilité). Enfin et parce que même si « When I was young they called me, Olu’s son. Now he Nas father, I was the good seed », le lien parental se lie toujours dans le répertoire jazz, Stay intermède à la basseline posée, un moment de calme laissant place à l’introspection très très loin des gesticulations musicales dégueulasses d’un Swizz Beatz.


Life is NaS ! 16 ans après ses premiers essais mainstream, NaS agite toujours autant les compteurs et doit déjà se délecter de cet album qui remplit clairement son rôle. En tant que chef de file naturel, Nas cumule toujours autant les réactions disproportionnées, classique pour les uns, nouvelle daube pour les autres alors que l’album reste calibrer pour toutes les oreilles sans pour autant galvaniser. Life Is Good est donc une nouvelle pierre à son édifice et comble la frustration laissé par Untitled en 2008 même si on est loin de pouvoir sans satisfaire pleinement.

 

15/20

NaS – Life Is Good (2012)
7 vote(s)

One comment on “NaS – Life Is Good (2012)

  1. SnowgoonS on said:

    haha voila de la chronique comme j’aime acidulé, satirique et avec ce coté « subjective et alors je vous emmerde » héhé sans oublier les petits détails qui font ce petit plus.

    Il y a de tout dans ce skeud comme tu l’as dit et pour tout le monde, a part pour Daughters ou je m’y retrouve moins je te rejoins sur l’ensemble de ta chronique, ca reste pour moi un album de Nas d’assez bonne facture surtout en cette annee ou le niveau et vu à la baisse et ou l’indulgence est de mise… quoique…

    ha oui et ton intro bien très bien, un bon week end à toi !

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